CfP: 1917 Que reste t-il d’une révolution?

1917. Que reste t-il d’une révolution ? Le cinéma,
l’histoire, l’art, la politique

Numéro Spécial de la Revue Ecrans Octobre 2017

Deadline: 15 décembre 2016

On peut s’introduire dans le 20ème siècle de bien des manières. Mais il
est certain que la révolution de 1917 est l’une des rares qui fasse
coïncider la fin d’un empire, l’avènement d’un pays communiste et la
naissance des premières utopies esthétiques. S’agissant du cinéma,
l’événement nous met au contact d’une réalité bien particulière
qui veut que le destin d’un art soit intimement lié au sort d’une
révolution politique. Le cinéma russe et soviétique a, de ce point de
vue, longtemps joui d’une autorité esthétique qu’il devait à ses
essais théoriques autant qu’à quelques cinéastes – Koulechov,
Poudovkine, Eisenstein, Vertov, Dvojenko, etc. – dont les œuvres ont
impressionné l’époque. Pourtant, si l’on s’en tient à la stricte
chronologie, les écrits russes sur le cinéma sont postérieurs aux textes
qui s’écrivent en Europe et aux Etats-Unis. Les futuristes italiens
publient en 1912 le Manifeste technique de la littérature futuriste qui
compose une première apologie du cinéma, suivie en 1916 d’une
Cinématographie futuriste signée par Marinetti, Corra, Balla, Settimielli,
Ginna et Chiti. Aux Etats-Unis Eustache Hale Ball et James A. Taylor rédigent
respectivement en 1913 et 1914 les premiers manuels à destinations des
scénaristes et cinéastes américains, tandis que Vachel Lindsay fait
paraître en décembre 1915 The Art of the Moving Picture, suivi quelques
mois plus tard par Hugo Münsterberg qui publie 1916 The Photoplay: A
psychological study. Quant à la France, elle crée ses premières revues de
cinéma dès 1908 (Ciné-Journal), Maurice Raynal tient sa première
chronique cinématographique en 1913 dans Les Soirées de Paris que fonde
Guillaume Apollinaire, les premiers articles de Louis Delluc datent de 1917 et
Philippe Soupault fait paraître ses poèmes cinématographiques en 1918.
Or, lorsqu’on regarde du côté des premiers écrits russes sur le
cinéma, on observe que les futuristes russes ne lui sont pas encore
favorables. Meyerhold (Théâtre de foire, 1912) et Maïakovski
(Théâtre, Cinéma, Futurisme, 1913) refusent d’y voir un art, avant de
changer d’avis quelques années plus tard au contact des transformations
politiques qui remettent le cinéma au premier plan (Meyerhold, Le portrait de
Dorian Gray, 1918 ; Maïakovski, Cinéma et Cinéma, 1922). Il faut ainsi
attendre 1917 pour que Koulechov écrive sa première défense du cinéma,
1921 pour que soit fondée la Fabrique de l’acteur Excentrique (FEKS), 1922
pour que l’on puisse lire le premier texte d’Eisenstein sur le cinéma (Le
Huitième art), 1923 pour que soit créé le Front Gauche de l’Art (LEF).

Pourtant, 1917 marque le début d’une grande aventure cinématographique
qui voit une nation précipiter l’entrée du cinéma dans le monde des
arts, au moment où l’industrie du cinéma américain commence d’en
voiler l’horizon (Delluc, 1920). Il appartient au centenaire de dresser des
bilans, de distinguer les mythes de l’histoire, de rouvrir les dossiers et de
relire ce que nous tenons pour vrai. Un siècle après cette césure
historique, que reste-t-il de ces films et de ces textes qui, entre 1917 et
1935, ont largement décidé du destin du cinéma mondial? Quelle place le
cinéma contemporain leur a-t-il réservé? Comment ont-ils influencé nos
façons de penser le cinéma ? Comment cette influence s’est-elle écrite
à l’échelle du siècle ?

Ces questions feront l’objet d’une journée d’étude à l’automne
2017 qui sera suivie d’un numéro de la revue Écrans. Quelques questions
et axes de recherche se dégagent :

1. Si les grands films soviétiques qui ont marqué l’histoire du cinéma
n’ont rien perdu de leur actualité théorique, on pourra néanmoins se
demander ce que deviennent ceux qui sont restés dans l’ombre de ces
chefs-d’œuvre ? Ont-ils été exhumés, réévalués ? Existe-t-il des
cinématographies actuelles qui maintiennent des liens esthétiques,
politiques avec le cinéma soviétique ? Des cinéastes qui se
réclament-ils encore du cinéma soviétique, à la manière de Godard
redécouvrant Cinématisme d’Eisenstein lors du tournage de Passion ?
Quelles relations le cinéma russe contemporain entretient-il avec son
héritage ?

2. Que reste-t-il de la théorie soviétique des années 1920 ? Comment en
refaire l’histoire, en retracer les généalogies, en évaluer
l’influence dans le siècle ? On s’intéressera en outre à la manière
dont elles ont contribué à construire l’imaginaire esthétique de
plusieurs générations de cinéastes et de théoriciens. On se demandera
ce que les politiques de l’art et du cinéma qui ont été conduites entre
1917 et 1935 – charnière historique qui voit en même temps paraître les
textes formalistes de Poètika Kino (1927) et se fermer l’avenir du cinéma
soviétique (1er Congrès des cinéastes soviétiques, 1935) – peuvent
encore nous dire de notre situation historique.

3. La question du montage a été au cœur des théories du cinéma
soviétique au moment même où le cinéma américain développait ses
grands modèles narratifs, où la théorie française investissait la
notion de photogénie, où l’expressionnisme allemand multipliait les
expériences plastiques. Comment penser cette situation théorique du
cinéma au tournant des années 1920 ? Quels sont les enjeux théoriques
pour le cinéma contemporain ? Pour les arts qui en développé
l’heuristique ?

4. Le cinéma a rencontré, accompagné et, parfois, devancé, une histoire
en train de se faire, avant d’en être écarté. Comment évaluer cette
situation historique à l’aune des transformations historiques que le monde
connaissait à la même époque ? Echec de la révolution allemande, fin de
la Grande Guerre, Grande dépression, etc. Comment le cinéma contemporain
investit-il l’Histoire ? Quels jalons retenir de ces relations complexes
entre cinéma et histoire ?

5. Le cinéma n’est pas seul. Le futurisme russe a été le foyer d’une
révolution de l’art avant que le cinéma n’en renouvelle l’approche et
les moyens. Les liens du cinéma aux

autres arts ne manquent pas d’études, on s’intéressera néanmoins à
la manière dont cette première dynamique intellectuelle autour du cinéma
a pu être suivie d’expériences empruntant aux souvenirs, voire aux
mythologies d’une époque qui a été rêvée à plusieurs reprises
(Groupe Dziga Vertov, Medvedkine, etc.).

Vous pouvez soumettre une proposition à la revue en l’envoyant à Mauro
Carbone, carbone.mauro@gmail.com
Luc Vancheri, luc.vancheri@univ-lyon2.fr
Et Jean-Pierre Esquenazi, jpierre.esquenazi@wanadoo.fr

Avant le 15 décembre 2016. Les réponses seront données avant le premier
février 2017.

Author: admin

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