CfP: Les utopies scientifiques en Union soviétique.

Colloque international – appel à communications

Les utopies scientifiques en Union soviétique. Science, fiction et pouvoir (1917-1991)

Paris, 23-24 septembre 2016
Deadline: le 30 novembre 2015.

Organisateurs :
Grégory Dufaud
Ioulia Podoroga
Larissa Zakharova

Comité scientifique :
Anna Åberg (FMSH/CERCEC)
Korine Amacher (Université de Genève)
Catherine Depretto (Université Paris-IV)
Alexandr Dmitriev (Haute École d’Économie de Moscou)
Leonid Heller (Université de Lausanne)
Alexei Kojevnikov (Université de Colombie-Britannique)
Nikolai Krementsov (Université de Toronto)
Valérie Pozner (CNRS)
Egle Rindzeviciute (SciencesPo-Paris)

Depuis la chute de l’Union soviétique, l’histoire des sciences a connu des avancées importantes. Un objet a toutefois été délaissé : l’utopie scientifique, fascinante et intrigante, parce que située à la frontière entre littérature et science. Nikolai Krementsov est l’un des rares historiens à s’y être intéressé. Dans Revolutionnary Experiments, il s’est penché sur la médecine durant les années vingt à partir de plusieurs œuvres, prolongeant la réflexion débutée dans son livre sur Aleksandr Bogdanov. Rival malheureux de Lénine, celui-ci s’était détourné de la vie politique pour se consacrer à l’écriture[1]. Par le biais de la science-fiction, il a non seulement exposé sa vision du socialisme, mais aussi théorisé le rôle de la médecine et de la transfusion sanguine dans la transformation du monde social. Comme le suggère l’exemple de Bogdanov, l’utopie scientifique, en tant qu’utopie sociale, propose un imaginaire qui est celui d’une société de type nouveau dont elle veut faciliter la réalisation.
L’objectif de ce colloque est de comprendre comment les fictions ont pu avoir une fonction heuristique, participer de la transformation de l’activité scientifique et reconfigurer les rapports entre science et pouvoir. Le questionnement portera d’abord sur les relations entre fiction et sciences, afin d’explorer comment littérature et cinéma se sont appropriés certains des concepts basés sur les découvertes scientifiques et, inversement, comment les sciences se sont servies des imaginaires proposés par les fictions pour étoffer leurs discours, contester les découvertes ou se lancer dans des expérimentations inédites. Ce double mouvement est évidemment médiatisé par le pouvoir. Aussi, on sera attentif à la commande sociale et aux mécanismes de censure à l’œuvre.
À travers ces rapports entre fiction, science et pouvoir, on souhaite également interroger l’idée de progrès et les significations qu’elle a revêtues au cours de la période. Si les autorités soviétiques ont érigé la science en mère du progrès, la certitude dans l’avènement prochain du communisme s’est estompée à partir des années soixante. Dans quelle mesure les utopies scientifiques ont reflété cette évolution ? Quels imaginaires ont-elles proposés au public ? Les utopies s’ancraient dans la réalité de leur époque dont elles en révélaient les préoccupations. Dès lors, quelles craintes véhiculaient-elles ? Ont-elles élaboré un discours du risque, voire critique des sciences, que les scientifiques se seraient réappropriés ? Quels en ont été les motifs ?
Ce colloque s’adresse à l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, philosophie, études littéraires, etc.). Il ne veut se limiter à aucun domaine de la science soviétique, afin d’en étudier les plus reconnus comme les plus marginaux. Toutes les œuvres de fiction pourront être analysées, qu’elles relèvent de la littérature ou du cinéma. Il ne s’agit pas tant de se concentrer sur un genre en particulier (utopie, fantastique ou science-fiction) que d’étudier un corpus d’œuvres au statut différent, mais dont la caractéristique commune réside dans l’usage et les réappropriations des découvertes scientifiques pour imaginer l’avenir[2].
Plusieurs pistes pourront être explorées :

1. Les concepts et les découvertes scientifiques dans la fiction :
— la variété des imaginaires proposés par les utopies scientifiques ;
— les découvertes et les innovations au cœur de ces imaginaires ;
— les significations données à l’idée de progrès ;
— les craintes et les inquiétudes exprimées par les utopies scientifiques.

2. Les utopies scientifiques et la science :
— le rôle de la fiction dans la réflexion et les controverses scientifiques ;
— le rôle de la fiction dans la reconfiguration des rapports entre les disciplines scientifiques ;
— l’éthique scientifique au regard des utopies scientifiques ;
— l’usage des utopies scientifiques pour obtenir la reconnaissance par les autorités d’un projet ou d’une institution scientifique.

3. Les utopies scientifiques à l’épreuve de la société :
— la diffusion des utopies scientifiques et son public ;
— les utopies scientifiques et la vulgarisation des savoirs et des techniques ;
— les utopies scientifiques et le pouvoir, le rôle de la censure.

[1]. Nikolai Krementsov, Revolutionary Experiments: The Quest for Immortality in Bolshevik Science and Fiction, Oxford, Oxford University Press, 2014 ; id., A Martian Stranded on Earth. Alexander Bogdanov, Blood Transfusions, and Proletarian Science, Chicago, The University of Chicago Press, 2011.
[2]. Sur la science-fiction et l’utopie, voir Leonid Heller, De la science-fiction soviétique : par delà le dogme, un univers, Lausanne, Éditions l’Âge d’homme, 1979 ; Leonid Heller, Michel Niqueux, Histoire de l’utopie en Russie, Paris, PUF, 1995.

Les propositions de communication en anglais, en français ou en russe (1500 signes), accompagnées de courtes présentations des auteurs sont à envoyer à l’adresse suivante : sovietscienceandfiction@gmail.com avant le 30 novembre 2015.

Author: admin

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