CfP: Minorités, identités régionales et nationales en guerre 1914-1918

Musée de la CorseMinorités, identités régionales et nationales en guerre 1914-1918

Colloque interdisciplinaire et international organisé à Corte (Corse) par le Musée de la Corse les 19 et 20 juin 2014.

jusqu’au 31 octobre 2013

En 1914, la guerre entraîne des millions d’hommes vers des horizons nouveaux dont beaucoup ne reviendront pas. Composées en majorité de simples citoyens ayant endossé l’uniforme, des armées s’affrontent au nom de nations au sein desquelles résonnent et s’entremêlent différents modèles de patriotisme, de nationalisme et d’identités sociales. Si depuis quelques années, la recherche historique, aussi bien nationale qu’internationale, s’intéresse de plus en plus aux témoignages précieux de ces hommes ordinaires ballotés par le flux et le reflux d’événements qui les dépassent, l’attention sur les « groupes » (une notion à discuter) régionaux ou nationaux minoritaires, compris comme des entités conscientes d’elles-mêmes, construisant et véhiculant des identités socioculturelles et des expressions patriotiques singulières au sein de leur nation d’appartenance, demeure une clé de lecture aujourd’hui relativement peu étudiée. De fait, il apparaît important de mieux connaître ces groupes, dans leur double dimension sociale et politique, de comprendre leur vision de la guerre, leurs rapports à la nation, au nationalisme et à leurs identités plurielles, parfois concurrentes.

Dans un cadre très large, il s’agit d’éclairer les articulations structurant leur(s) identité(s) régionale(s) et/ou nationale(s), au sein de l’entité nationale étatique. D’abord, ces groupes forment-ils des entités sociales homogènes, au sens de repérables et d’objectivables par le sociohistorien ? Comment les individus composant ces groupes sont-ils saisis par la guerre ? Leurs groupes s’en retrouvent-ils renforcés ? Divisés ? Qu’en est-il des Corses mobilisés dans l’armée française ? Quid de la participation des Alsaciens-Mosellans à l’effort de guerre allemand ? Comment se comportent les Italiens du Trentin, les Tchèques, les Slovaques, etc., au sein de l’empire austro-hongrois en guerre ? Le conflit a-t-il été le grand moment de cristallisation du sentiment national ou bien seulement une étape supplémentaire du renforcement des États-nations ? Qu’en est-il d’une France aux identités régionales encore vivaces malgré la laborieuse mais relativement efficace affirmation de l’État ? De l’Italie, dont le processus national est loin d’être achevé en 1914 ? Ou encore des Québécois au Canada ? Comment l’Autriche-Hongrie a-t-elle géré ses minorités à l’arrière et sur le front ? Dans les empires coloniaux, quelles sont les répercussions de la participation à l’effort de guerre national – celui de la métropole coloniale – sur les constructions identitaires des colons et des colonisés ; portent-elles en germe la construction nationale d’États post-coloniaux ?

D’une manière générale, que produisent les expériences de guerre des groupes porteurs d’une identité régionale et/ou nationale différente de celle des États qui les mobilisent ? Participent-elles finalement au renforcement de la construction nationale de l’entité étatique ? Au contraire, sont-elles le lit de (nouvelles) résistances ? Comment cela s’exprime-t-il ? Par différentes échelles de solidarité, de la cohésion du groupe primaire de combat (renforcé au début de la guerre par le recrutement régional) aux solidarités régionale et nationale ? Comment ces solidarités interagissent-elles avec les solidarités de classe ou de condition ? L’analyse des constructions et interactions identitaires complexes propres aux diverses minorités engagées dans la Grande Guerre recèle de nombreuses pistes pour la compréhension de ces frontières intra-étatiques peu visibles, redessinées dans la diversité sociale et le brassage national des tranchées.

L’échelle nationale, à travers le rapport centre-périphérie, permet une première approche à partir d’axes distincts. Ainsi, sous les angles différents et complémentaires d’une histoire à la fois sociale, politique et culturelle, il s’agira d’étudier les processus de définition et d’autodéfinition des groupes identitaires (minorités nationales, identités régionales, etc.) dans le double cadre de la nation en guerre. Les contributions s’articuleront autour des problématiques suivantes :

Comment s’articulent identités régionales et identités nationales dans les processus de mise en guerre de l’État (« mobilisation » des corps et des esprits, expression patriotique, etc.) ?
Comment ces identités plurielles résistent-elles l’une à l’autre, se transforment-elles au contact l’une de l’autre, se fondent-elles l’une dans l’autre…, dans le contexte des brassages dans les tranchées, les hôpitaux, les hivernages, les chantiers, les usines, ou lors des permissions (pratiques, expressions, etc.) ?
Ces différentes identités renforcent-elles la ténacité des combattants ?
Le conflit a-t-il tenu un rôle dans l’apparition ou la structuration d’un sentiment de rejet du sentiment national entre 1914 et 1918 et après-guerre ? A-t-il joué en faveur d’un essor de nationalités jusque-là étouffées ? D’un repli sur les « petites patries » ?

Si le colloque porte essentiellement sur une vision « par le bas » du conflit, discuter l’essor ou le repli identitaire revient à évoquer la construction et la postérité politiques de ces identités prises dans la guerre :

Quels modes d’administration les États en guerre ont-ils développé vis-à-vis de leurs minorités ? Quelles stratégies identitaires de légitimation de la guerre et de l’État en guerre ont-ils employé ?
Comment les politiques étatiques, les élites sociopolitiques locales ou encore les médias régionaux ont-ils cherché, à l’arrière comme au front, à développer le sentiment national et niveler ou reléguer l’expression d’identités différentes ? Des discours aux pratiques, quelle fut l’efficacité réelle de ces procédés ?
Enfin, comment les États en conflit ont-ils tenté de jouer sur les identités régionales ou les minorités des nations rivales afin d’affaiblir leurs ennemis ?

L’objectif scientifique du colloque repose sur une approche comparée, internationale et interdisciplinaire, de la Grande Guerre.

Colloque interdisciplinaire et international organisé à Corte (Corse) par le Musée de la Corse les 19 et 20 juin 2014.
Modalités de soumission

Les propositions de communications sont à soumettre en français à :

jean-paul.pellegrinetti@wanadoo.fr et sylvain.gregori@wanadoo.fr

Elles ne devront pas excéder 5 000 signes et devront comporter un bref descriptif des sources envisagées.

Le dépôt des propositions s’effectuera
jusqu’au 31 octobre 2013

Les candidats seront informés de la décision du comité organisateur au plus tard le 31 décembre 2013.
Comité scientifique

Sylvain Gregori (Musée de Bastia, chercheur associé au CMMC. Université de Nice Sophia-Antipolis)
Charles Heimberg (Université de Genève)
Michel Litalien (Direction de l’Histoire et du patrimoine, Ministère de la Défense nationale du Canada)
Julien Mary (Université Paul Valéry-Montpellier III)
Jean-Paul Pellegrinetti (Université de Nice Sophia-Antipolis)
Frédéric Rousseau (Université Paul Valéry-Montpellier III).

Partenaires

CMMC (Université de Nice Sophia-Antipolis)
CRISES (Université Paul Valéry-Montpellier III)
CRID 14-18

Bibliographie indicative

Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2002 [Imagined communities, 1983]
François Bouloc, Rémy Cazals et André Loez, Identités troublées. 1914-1918 : Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Éditions Privat, 2011.
Rémy Cazals et André Loez, Dans les tranchées de 14-18, Pau, Cairn, 2008.
Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996.
Jean-François Chanet, Vers l’armée nouvelle. République conservatrice et réforme militaire, 1871-1879. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006
Christophe Charle, La Crise des sociétés impériales. Allemagne, France, Grande-Bretagne (1900-1940), Paris, Le Seuil, 2001.
Éric Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780, Paris, Gallimard, 1992.
Jules Maurin, Armée, guerre, société: soldats languedociens (1899-1919), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.
Gérard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Gallimard, 2005.
Panikos Panayi, Minorities in Wartime. National and Racial Groupings in Europe, North America and Australia during the Two World Wars, Oxford, Berg, 1993.
Odile Roynette, “Bons pour le service”. L’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000.
Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales, Paris, Le Seuil, 1999.
Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Gallimard, 2004.

Author: admin

Share This Post On