Pour une histoire transnationale des épurations en Europe au sortir de la Seconde Guerre mondiale
Date et lieu : 11-12 juin 2015 – Université Rennes 2.
Deadline : 15/01/2015.
Colloque organisé par le Centre de Recherches historiques de l’Ouest (CERHIO- UMR CNRS 6258), en partenariat avec l’ENS Ulm, Paris, IHMC, Friedrich-Schiller-Universität Jena, l’UCL, Louvain-la-Neuve, CHDJ-FNRS (PAI 7/22 Justice et populations)
La cessation des hostilités et la défaite idéologique des régimes fascistes constituent à l’échelle de l’Europe continentale une séquence clairement identifiable. Selon John Horne ce « moment 1945 » est marqué par une « soif de justice » à l’égard des anciens ennemis et de leurs collaborateurs. Mai 1945, ne marque donc pas un retour immédiat ou durable à la paix comme en témoignent les travaux récents de Tim Snyder ou de Keith Lowe qui livrent une histoire convulsive du continent. En ce sens, le colloque interroge ce que «
sortir d’une guerre » veut dire. Un enjeu d’autant plus important que l’adhésion aux régimes en place et/ou la collaboration avec les occupants a été en Europe durant la Seconde Guerre mondiale, un phénomène d’une ampleur sans précédent, nécessitant la mise en œuvre de politiques de justice (épuration, répression de la collaboration, Säuberung, dénazification, Retribution, Zuivering…). Dès lors sans occulter la diversité voire la pluralité des situations durant la guerre ou des conditions de sorties de guerre, le projet postule aussi l’unité possible de l’objet.
Ce faisant, il envisage l’épuration comme une forme de « situation de génération » [Karl Mannheim] à l’échelle de nombreuses sociétés européennes. C’est précisément cette expérience partagée à défaut d’être totalement commune qui fonde notre analyse sur la base d’une historiographie, à la fois dense au niveau national et lacunaire à l’échelle transnationale.
En effet, le fréquent compartimentage des historiographies nationales fait qu’il n’existe que très peu d’approches vraiment comparées, croisées et a fortiori transnationales du phénomène. Or, précisément, l’ambition de ce colloque est double :
1. / Faire dialoguer entre eux des travaux déjà nombreux mais qui le plus souvent s’ignorent,
2./ Contribuer à écrire une histoire connectée des épurations à l’échelle européenne. Dans cet esprit, alors que les pays de l’Europe
occidentale sont souvent les plus étudiés et/ou connus, une attention toute particulière sera accordée à l’Europe médiane, orientale et balkanique.
Il s’agit donc de privilégier une histoire connectée qui soit attentive aux phénomènes d’échanges, de circulations, de transferts, de modèles extérieurs ou au contraire de repoussoirs. De même, une attention particulière sera accordée à des objets de recherche hybrides ou mixtes, qui postulent de l’entre deux et révèlent des acteurs ou espaces « mêlés ».
En ce sens, on se focalisera sur des lieux ou milieux de connexions ou de rencontres. Pour ce faire :Une première journée du colloque interrogera les concepts et mécanismes d’épuration à l’œuvre en Europe en privilégiant les phénomènes de circulations et transferts Parmi les axes de réflexion attendus
1./ Les lieux « d’incubation » pendant le conflit : à savoir des lieux où l’on a pensé et parfois préparé une(des) épuration(s) nationale(s) : Londres, Le Caire, Moscou….La guerre brouille la cartographie européenne des lieux de pouvoir ou de décision du fait de l’existence de gouvernements ou de représentants des résistances en exil. Dès lors, certaines villes incarnent autant de « petites nations » où se prépare l’après-guerre non sans échanges possibles entre représentants de pays différents. Favorisant une approche multipolaire, le colloque entend éclairer, les dynamiques transnationales à l’œuvre dans ces villes dans un contexte marqué par des
conditions et des chronologies de libération différentes mais aussi par une volonté de croiser enjeux nationaux spécifiques et préoccupations partagées à l’échelle du continent (restaurer ordre et légalité dans une double fonction de régulation et de légitimation.)
2./ Catégories et incriminations en usage : définitions, circulations, échanges. A titre d’exemples : la notion de criminel de guerre comme catégorie « internationale », la peine de mort, l’indignité nationale…
3./ Rapports et/ou filiations entre les épurations d’après-guerre et des procédures d’épuration ou des purges antérieures mais aussi concomitantes au début de la guerre froide..
4./ Passeurs, mode de médiation ou de transmission d’un pays à l’autre de politiques ou pratiques d’épuration.
La seconde journée du colloque portera sur la question de l’exil et/ou du recyclage desépurés : lieux, milieux, réseaux….
Parmi les axes de réflexion attendus:
1./ Exil : réseaux et milieux d’entraide, exopolitie. L’histoire des « populations exilées » est par définition une histoire de mouvements et, d’itinéraires partagés. Elle peut conduire à s’intéresser aux exilés/réfugiés mais aussi aux cercles d’accueil ou d’entraide des « collabos » dans les pays tiers. Le rôle des Eglises, souvent souligné, mériterait par exemple d’être clarifié. Un champ d’autant plus transnational qu’il ouvre sur l’exopolitie [Stéphane Dufoix] avec parfois la reconstitution d’espaces politiques pro-épurés dans les pays d’accueil au service d’un anticommunisme assumé voire revendiqué.
2./ Le cas de peuples ou groupes sociaux « cibles » ou punis comme collaborateurs. Une problématique qui recoupe la question des minorités allemandes ou Volksdeutsche qui sont considérées d’emblée comme coupables.
C’est aussi le cas de certaines composantes nationales en Europe centrale, orientale ou balkanique.
3./ Une attention particulière mériterait d’être accordée à certains lieux et milieux de « recyclage » ou de rédemption d’individus compromis. Parmi les plus classiques ou connus, on peut d’emblée penser aux services de renseignements ou de police en particulier politique, à certains milieux économiques, aux milieux universitaires ou encore à l’armée…
Les propositions de communication (1 page maximum en français ou en anglais) accompagnées d’un court cv devront être envoyées à marc.bergere@uhb.fr avant le 15 janvier 2015.
Organisation et contact:
Marc Bergère, CERHIO – université Rennes 2 (France)
Comité scientifique
Marc Bergère, CERHIO – université Rennes 2 (France)
Jonas Campion, CHDJ- UCL, Louvain la Neuve (Belgique)
Emmanuel Droit, CERHIO – université Rennes 2/CMB Berlin (Allemagne)
Valeria Galimi, universita della Tuscia, Viterbo (Italie)
Dominik Rigoll, Friedrich-Schiller-Universität Jena, (Allemagne)
Xavier Rousseaux, CHDJ- UCL, Louvain la Neuve (Belgique)
Marie-Bénédicte Vincent, ENS Ulm-Paris, IHMC (France)
Vanessa Voisin, ANR CINESOV 1939-1949, IRICE, Paris-Moscou (Russie).